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Invisibles SDF

La question de la visibilité d'un objet social ne se rapporte pas seulement aux caractères de l'objet en question mais aussi à la capacité de voir du sujet. Cette thématique classique prend une tournure particulièrement opportune en ce qui concerne le regard que l'on peut porter sur les SDF et la visibilité de ceux-ci. Hérodote, qui en cela est un précurseur de l'anthropologie moderne, met en évidence ces limites de nos perceptions lorsqu'il prend le contre-pied de ses contemporains en regardant les étrangers d'un œil détaché des convenances. Alors que les Grecs de son époque ne parviennent pas à reconnaitre chez les non-Grecs, d'autres être humains, il décrit les comportements et les habitudes de ceux-ci sans jamais les juger. Les Européens sont tombés dans le même paneau près de vingt siècles plus tard lorqu'ils ont découvert l'Amérique, doutant alors que les Indiens eussent une âme.

C'est une déformation inverse mais de même nature qui me paraît difracter l'image que nous avons des SDF. Dans bien des discours portant sur les SDF, je crains de ne retrouver d'eux que ce qui nous est culturellement perméable et socialement admissible. Le prisme de notre regard sur un objet social aussi dérangeant que le sont les SDF pour notre conscience individuelle et collective pourrait bien en déformer l'image de sorte à la rendre opaque, floue, diforme voire même transparente.

Tant d'insistance à se faire voir

Aucun groupe social n'est pourtant à la fois plus visible et plus facilement identifiable que les SDF dans les villes d'Europe. Les SDF sont partout. On les trouve dans tous les recoins que la ville produit ou laisse échapper. On les aperçoit sur les marches de l'escalier de la gare, dans le square, devant la station d'essence, au fond du parking, devant la bouche d'entrée du métro, sur les grilles du chauffage urbain, dans les voitures du bus, du métro, du RER, sous le auvent de l'ANPE, derrière le terre-plein de l'avenue, sur tous les trottoirs. Ils sont là de jour comme de nuit, des hommes comme des femmes, des nouveaux et des anciens, des Français comme des gens d'ailleurs. Non seulement ils sont partout mais ils font ce qu'ils peuvent pour se rendre visibles. La plupart d'entre les SDF ne se cachent pas et ne répugnent pas à se montrer et à se démontrer. Ils interpellent le passant, s'adressent bruyamment la parole entre eux, se débraillent semble- t-il tout exprès, s'installent ostensiblement dans les entrées d'immeubles, braillent leur douleur ou leur amertume. Même dans leur posture la plus discrète et silencieuse, lorsqu'ils sont assis sur un rebord de parapet, la tête dans les épaules et sans bouger, leur apparence physique est si déroutante qu'ils ne peuvent passer inaperçus. On les dirait habités par l'intense besoin de se rendre visibles, d'apparaître, de paraître. Si tous ne subissent pas cette déformation, on ne peut éviter de constater qu'en fort peu de temps, quelques années à peine, un visage ordinaire devient bizare : cabossé, déglingué. Cette défiguration visible rend-elle visible pour autant l'homme qui se trouve derrière ?

Les explications raisonnables de la manifestation bruyante et constante des SDF sont nombreuses. Primo : il faut aux SDF faire la manche et donc se faire repérer, parfois apitoyer dans un contexte concurrenciel soutenu, parfois même menacer. Deuxio : ils éprouvent un irrépressible besoin de parler et d'échanger pour échapper aux enfermements de la solitude. Troisièmement : ils se sont échappés à eux-mêmes et l'alcool les a rendus plus présents qu'ils ne l'auraient souhaité. Toutes ces explications sont certainement pertinentes, mais il n'est pas sûr qu'elles suffisent à expliquer l'insistance qu'ils mettent à s'efforcer d'être vus. Hasardons-en une qui s'ajoute aux autres : c'est qu'ils désespèrent justement d'être vus.

L'hypothèse que je formule est que les SDF sont invisibles aux regards ordinaires des jours ordinaires. Ce que je mets en cause est non pas l'ensemble des caractères sensibles des SDF mais la sensibilité des citadins à l'égard de ces étranges humains. Ce que j'interroge est la capacité de voir des autres habitants de la ville.

Le défaut d'habitat, carence invisible à l'œil nu

A l'origine de la déformation qui nous rend les SDF invisibles, un obstacle véritable me semble s'opposer à ce que nous les percevions. Les SDF ne répondent pas à toutes les caractéristiques que nous attendons des hommes, ils ne répondent pas aux traits humains qui nous sont familiers. Certes, ils parlent, mangent, aiment, rient, jouent, marchent comme tout le monde. Leurs propos ont le sens que nous partageons avec eux. Mais ils ne sont pas entiers dans leur humanité ; il leur manque quelque chose qui les distingue. Et ce qui les distingue de nous est une carence, un manque, quelque chose qu'on ne peut voir puisque justement la chose fait défaut : ils habitent nulle part ou plutôt, il n'habitent pas.

Cette particularité qui pourrait paraître douloureuse mais anodine ne l'est pas. Contrairement à ce que le signe dont on les affuble prétend, ils ne se distinguent pas en ne disposant pas de domicile fixe : ils n'habitent pas du tout. La grammaire elle-même souligne la carence qui admet difficilement qu'habiter puisse ne pas être transitif. Cette carence les range donc dans les lointaines marges humaines où ils rejoignent d'autres marginaux extrêmes comme les esclaves sans papiers de l'immigration souterraine, les mutilés de guerres atroces, les exilés apatrides, etc.

Tous les animaux auxquels les classifications biologiques nous apparentent habitent quelque part. Depuis les grands mamifères dont nous sommes les proches cousins jusqu'aux insectes étranges, tous les animaux habitent leur endroit propre qu'ils adaptent à ce qu'ils sont. Certains partagent leur habitat en plusieurs lieux, d'autres changent d'habitat tous les jours, d'autres transportent leur habitat avec eux, migrateurs leur route ou tortues leur carapace. Où que nous portions le regard, nous voyons aussi les hommes habiter et nous les reconnaisons d'ailleurs en partie à leur façon d'habiter. Le fait pour les SDF de ne pas habiter nous déconcerte au point que nous en perdons nos repères descriptifs et que, d'une certaine façon, nous ne savons plus comment les prendre, les nommer, les voir. Il s'inscrit dans la relation que nous entretenons avec eux une distance qui tient à cette différence profonde. Nous habitons tandis qu'eux ne le font pas. Pourquoi ? Et comment s'en tirent-ils ? Quelle est cette souffrance et à quoi peut-elle être comparée ? Il se trouve là un mystère qui crée entre eux et nous une béance.

Chaque habitant ordinaire de la ville se donne les moyens de traiter de l'étrange voisinnage de ces non-habitants. Dans le cours de mon observation des relations entre les SDF et les habitants de plusieurs villes de la région parisienne, j'ai eu l'impression de pouvoir discerner trois types d'attitudes. Ces attitudes sont codées par des discours convenus et par des appartenances discrètes, elles n'en sont pas moins fort homogènes.

Le regard du dégoût

La première est le refus des SDF. Cette attitude est beaucoup plus partagée qu'il n'y paraît. Quoiqu'elles prétendent et quels que soient leurs efforts pour donner le change, beaucoup de grandes entreprises de transport, de municipalités, de gestionnaires divers repoussent avec plus ou moins de délicatesse les SDF hors de leur champ de responsabilité. Arrêtés anti-mendicité, ratissages hors des squares, évictions autoritaires, installation de bancs anti-SDF, tous les moyens sont bons. Lorsqu'un architecte avait ménagé un auvent au dessus d'un immeuble, la co-propriété fait remplir le sol du auvent de cailloux agressif afin de dissuader les SDF de s'y installer. Tel curé de telle paroisse se débrouille pour que les SDF en déguerpissent l'entrée avant la messe. Dès qu'un SDF entre dans un wagon du métro, les voyageurs ordinaires et certainement bons pères de famille piquent du nez sur leur journal. Ces gestes infimes et répétés des micro-décideurs de partout révèlent le regard qu'ils portent sur les SDF. Ceux-ci sont perçus comme ce que l'on appelle en Français de tous les jours " des emmerdeurs. " Leur visibilité se réduit à leurs désagréments. Les gens pressés ne voient d'eux que leur odeur, si l'on peut dire. Le rejet dont ils sont les victimes récurrentes les réduit à l'état de déjections.

Ce n'est pas un prisme qui ici déforme le regard, c'est un voile qui l'empêche de se porter. Avec la meilleur volonté du monde et avançant des arguments sensés, les maires, responsables d'entreprise, ministres s'arrangent pour que les SDF disparaissent du paysage. Louis XIV avait promulgé en 1656 son édit portant renfermement des pauvres. L'Empire a créé la prison de Saint Denis que le second Empire transforme en Maison de Nanterre laquelle existe encore. La SNCF concocte des stratagèmes de polytechniciens afin d'épargner aux voyageurs la vue des SDF : on les attire vers une soupe populaire ; puis on les éloigne subrepticement des alentours de la gare en déplaçant la distribution. Et que dire du regard ordinaire d'un passant ordinaire ? Je me suis proposé un beau jour, faute de pouvoir donner un pièce à chaque SDF, d'au moins croiser le regard de ceux auxquels je ne donnais rien. L'exercice m'est apparu d'une extrême difficulté. Il est si commode de ne pas regarder. Il n'empêche, cette attitude est celle de la ségrégation, voire de la relégation ou de la répression. C'est le regard du dégoût.

Le regard compassionnel

La deuxième attitude est celle que nous fournit une longue tradition caritative prise en relais par le travail social. Elle est celle de certains organismes religieux et de la plupart des organisations chargées de l'accueil institutionnel par les municipalités et par l'Etat. Les SDF sont incontestablement dans le besoin et le code de réponse au besoin dans la logique pratique occidentale ne peut être que matériel. Ou, au moins, dira-t-on, commence-t-on par quelques interventions matérielles. Ainsi s'efforcera-t-on d'alléger les difficultés matérielles des SDF en leur fournissant ce dont on imagine qu'ils ont besoin. Le regard charitable fait des SDF des humains en manque : manque de nourriture, manque de toit, manque de café, manque de douches, manque de vêtements. Ce regard est un regard de bon sens. On ne peut l'infirmer. On y répond donc par un flux incessant de vêtements, de douches, de lits, de nourriture qui épargnent d'ailleurs incontestablement aux SDF les affres de la faim, parfois celles du froid ou de la crasse. C'est déjà beaucoup. Mais, ce point de vue réduit l'homme à des demandes et interprête souvent de surcroît les demandes avant de les avoir entendues. L'attitude généreuse ou efficace qui en résulte ne répare pas le caractère sommaire de la perception. Il épargne même plutôt de regarder plus précisément. De toute façon, il maintient les SDF dans leur condition : ils mangent et boivent, se lavent parfois, s'abritent ici ou là et dans les meilleurs des cas se font soigner, mais il n'habitent toujours pas.

Ce regard est celui du cœur, de la charité, de la compassion. Il voit le manque apparent, la carence immédiate, le besoin supposé. C'est lui qui est l'auteur du S de SDF. Il donne alors la réponse avant d'avoir entendu la requête, certain qu'il est que la compassion étant la plus haute qualité humaine, elle répond nécessairement au problème du SDF. Vertueux par proclamation, ce regard se dispense de regarder. Tel responsable associatif me confiait que son plus gros souci dans la relation aux SDF était de les protéger des assauts des travailleurs sociaux dressés par leurs procédures professionnelles à offrir des services de toutes sortes sans aucun rapport avec ce que disent et demandent explicitement les SDF eux-mêmes. Affairés à faire dire au SDF quel est son projet de sortie, les professionnels consciencieux ne peuvent admettre que ce qui définit le SDF est précisément qu'il ne peut, ne sait ou ne veut pas avoir de " projet ". Le regard compassionnel est un regard intrusif qui envahit l'autre par ses émotions, sa générosité, ses objets fabriqués. Un fatras de gestes, d'idées reçues et de choses prolonge sa charité et obstrue le regard de l'homme charitable de sorte qu'il ne voit rien.

Le regarde scientifique

Un troisième regard est plus pervers et plus difficile à corriger tant il est biaisé par un ample consensus culturel et une haute valorisation, c'est le regard scientifique. Le chercheur en sciences sociales n'échappe pas à ce biais, qui tente de faire entrer les SDF dans des modèles dont la norme référencielle tend malgré tout, quoi qu'on prétende, vers une moyenne sociale de bon aloi. On voudrait tant que le SDF soit un égaré provisoire qu'il suffirait de ramener à la case " normalité " où, à l'issue d'une " carrière " ou d'un " parcours " turbulent, il déboucherait nécessairement sur une rédemption, une guérison, un rangement ou pour le moins une rémission. Les observations obéissent donc à la raisonnable idée d'une régularité sociale qu'il serait intéressant de tenter de capter, de chercher chez les SDF.

Les chercheurs les plus investis sur ce type de regard sont cependant les médecins. Ceux-ci, parmi les très rares représentants du corps médical qui s'intéressent aux SDF, voient de ces derniers des sortes de malades. Ce seraient, pour prendre le risque de simplifier, des malades sociaux affublés de maladies physiques. Il est d'ailleurs incontestables que les SDF sont victimes de maladies de toutes sortes : maladies de peau, de digestion, des nerfs, maladies mentales et infections en tout genre pour n'évoquer que quelques unes. Mais la maladie, si l'on y prête trop d'attention dévie le regard loin de l'homme, surtout si l'on veut traduire en termes de maladie l'état du SDF. Malade social donc ? Malade psycho-social ? Cela paraît à la fois raisonnable et tellement insuffisant.

Ce regard est celui qui sait, le regard de l'intelligence. Il est fait d'analyses, de catégories, de relations de cause à effet, de mises en facteur. Il est pertinent, exact, rigoureux. Il est constitué d'une série de raisonnements justes qui ont pour défaut majeur cependant de ne pas porter sur le bon objet. C'est la notion de norme qui biaise ce regard. S'il est déjà quelque peu discutable de définir une norme physique ou biologique et qu'on est plus avisé en ces matières de parler de limites normatives ou d'espaces normatifs, a fortiori est-on en mal de définir une norme sociale. En tout cas cet exercice fort périlleux peut se retourner bien vite contre ses auteurs. Que serait donc une norme qui définirait une maladie sociale de SDF ? Certains chercheurs ont perçu les carences héréditaires accumulées qui renforcent la probabilité d'une chute dans la rue. De là à en déduire les conditions permettant d'échapper à la chute, on a trouvé les réponses avant d'avoir regardé et entendu les personnes. Que sont ces conditions ? La solidité ou la certitudes des filiations sans doute ? La mise sous contrôle de la violence sociale certainement ? La stabilité dans la transmission éducative peut-être ? On mesure à quel point ces bornes de la norme sociale vacilleraient en cas de crise. Ou combien elles prêteraient facilement le flanc aux abus en cas de mise en œuvre autoritaire.

Chercher les catégories, les mots pour dire, les yeux pour voir

Je ne prétends pas qu'il existe un regard juste et incontestable sur les SDF. Encore moins que ce regard est accessible à la condition de je ne sais quelle attitude attentive, attentionnée, désintéressée, dégagée des convenances, comme si cela était possible. Je ne prétends surtout pas avoir trouvé le fin mot de l'histoire. Mais j'ai trouvé particulièrement difficile de voir les SDF et c'est de cette difficulté que je voudrais faire part. Dans le cours de mon travail d'observation, j'ai trouvé que les SDF, comme société, sont des gens qui échappent à nos catégories usuelles de citoyen, de chercheur, de passant, de spectateur, de raisonneur, ils échappent à nos catégories affectives, à nos ressources référencielles, à nos catégories politiques, à nos réflexes d'observation. Ce sont les personnages limites, des humains paradoxaux, des Martiens immédiats.

J'ai tenté d'éclairer ce que j'en comprends à l'aide d'allégories qui valent ce qu'elles valent mais qui n'ont aucune prétention explicative générale permettant à chacun de les voir tels qu'ils sont. Nos catégories mentales sont peu disposées à percevoir la complexité de la réalité qu'ils présentent, donc de les voir. A titre d'exemple, la question de la liberté ou de la subjectivité m'a paru impertinente pour voir les SDF : sont ils des victimes complètes d'une société qui les rejette ou des marginaux sociaux esquintés par leur sort ? Ont-ils en partie choisi leur vie à la rue ou ne font-ils vraiment que la subir ? Cet ensemble de questions ne m'a pas paru explicatif. Autre exemple : la question de la responsabilité. Le renvoi de la responsabilité à l'Etat m'a paru sommaire. Celui vers le citoyen insuffisant. Vers la famille, vers les voisins, vers qui ? Encore une catégorie impertinente à mon sens. Autre exemple, l'amour. Je n'ai pas trouvé de mot pour évoquer la relation qui porte vers un SDF et que l'on reçoit d'un SDF. J'utilise le terme d'amitié qui me semble s'en rapprocher, mais ces amitiés éphémères et volatiles que l'on éprouve pour un SDF correspondent-elles à ce que nous entendons par amitié et ce que nous attendons de l'amitié ? Je n'ai pas su trouver non plus de catégorie convenant à l'ensemble social que constituent les SDF. Un groupe, une classe, une marge ?, rien ne me paraît convenir.

Voir le monde avec leur regard

Je dois pourtant dire que les SDF me sont apparus très accessibles individuellement. Ils sont le plus souvent disponibles, ouverts, intelligents comme n'importe qui, aimables dès qu'on l'est avec eux et fort gourmands de relations avec qui que ce soit. Dans cette mesure, chacun d'entre eux est extrèmement visible. Ils sont dans l'instant immédiat, des gens comme les autres, absolument comme les autres. Franchissant facilement les barrières dressées par des apparences spectaculaires, il m'a semblé facile d'engager avec certains SDF des relations qui ressemblaient bien à des relations d'amitié. J'ai eu des

relations pleines de plaisir et d'intensité. Mais je dois confesser qu'il m'est rarement arrivé d'échapper à une sorte de lassitude dans la relation, à une inquiétude au moins au sens où la relation ne laisse jamais en paix, il s'y mêle toujours une frustration qui oppose de la distance.

Il me parait pourtant nécessaire de signaler que parmi les nombreux intervenants auprès des SDF, j'en ai rencontré plusieurs qui disposaient d'un regard neuf et clair et qui semblaient voir les SDF comme des humains parmi les humains, ne cherchant dans le contact établi avec eux, que la relation dans l'instant, ayant construit avec le temps le mode de la relation apaisée. Du coup, ce qui prenait le dessus chez ces citoyens ordinaires du monde associatif était la conversation, la rencontre entre deux ou plusieurs personnes, le tout-et-rien des hasards de l'existence qui réserve à chaque occasion la chance d'une intimité. Le rire ou une connivence fortuite m'ont paru les signes que parfois je m'approchais de cet état. Comme le fait dire Beckett à l'un de ses SDF de théâtre dans Godot, " Nous sommes des hommes ". Dès lors que l'on se distancie de l'urgence de ranger, soigner, nourrir, vêtir, aider, loger, secourir, comprendre, raconter les SDF, il en reste qu'ils sont là, visibles comme n'importe qui au delà de souffrances ou de mutilations qui nous sont insupportables. Ils font partie de notre monde.

Ce qui m'a le plus approché de l'impression de les voir a été le désir parfois intense de voir le monde à travers leur regard à eux.

Marc Hatzfeld 14 octobre 2003

Colloque La perte. Cerisy-la-Salle. 2003

Paru dans Les SDF, visibles, proches, citoyens, dir Michel Juffé, Paris, PUF, 2005

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