La Nouvelle Calédonie dans l'air du temps
Les racismes externe et interne se tienne par la barbichette
On dirait que la France des Droits humains et de la Résistance est en train de perdre la main en matière comme en manières coloniales. Dès le début du XIXe siècle, elle savait enfumer dans une grotte jusqu’à ce que mort s’ensuive des Algériens qui ne voulaient pas de domination étrangère. Elle avait su, en 1947, tirer à bout portant sur des Malgaches armés de sagaies qui sont mort si nombreux qu’on ne s’est jamais donné la peine de les compter. Elle avait osé bombarder Sétif qui signalait qu’encore une fois l’Algérie allait gâcher la fête. Elle avait même conduit une guerre ingagnable contre ce qu’elle appelait l’Indochine française. Ceci sans parler des mains coupées, des viols, des spoliations et des bastonnades, tant de manifestations quotidiennes de supériorité dont le sens est de démontrer qui est le maître afin de se gaver de la sueur, du sexe et du sang des colonisés.
Des rencontres de peuples différents sur le mode de l’hospitalité, de l’échange marchand, de l’histoire d’amour, des déplacements ou de la découverte, il y en a eu plein depuis que les humains se déplacent sur la terre. J’imagine que les malentendus ont été fréquents entre populations attachés à des pratiques différentes, une partie des Grecs qui nous ont apporté dans leurs bagages Aristote, Homère, Sophocle et tant d’images magnifiques considéraient même que ce qui n’était pas Grec était infréquentable. Mais l’attrait de l’inconnu l’a souvent emporté sur la crainte. Toutes les rencontres ne se fondent sur la certitude que les autres sont des brutes incultes et que nous sommes civilisés, on va leur montrer le chemin du progrès, allez, au boulot ! C’est ce qu’on appelle le suprémacisme. C’est une maladie fort répandues par les temps qui courent. La suprématie se dit avec une fierté pourrie et se pratique sans embarras par la supériorité militaire et pas grand chose de plus.
Si la France perd la main, c’est peut-être qu’elle ne sait pas où elle en est de cette affaire de suprématie ; et ce qu’il lui reste à faire de ses rêves, de ses démons et de ses talents. En quelques décennies, elle a liquidé des colonies qui lui commençaient à lui coûter trop cher. Et puis voici que, à temps perdu, elle regarde ces jours-ci dans le rétroviseur et constate qu’elle dispose encore d’une armée décente, d’un siège inespéré au Conseil de sécurité de l’Onu, d’une assez bonne équipe de foot et d’une littérature prestigieuse. Cette image ramollit le penchant décolonialiste qui fait vieillot et suggère même de profiter des restes du festin qui permettraient de jouer dans la cour des grands : là où gouvernements américain et chinois discutent du Pacifique sud par exemple ; là où l’on entretient des bases militaires pour frimer la surpuissance aussi. Peut-être d’autres desseins cachés, qui sait ?
Les gouvernants de notre pays reprennent donc du poil de la bête en matière de suprématie. Un ministre traite une organisation Canaque de mafieuse, on se permet de ne pas respecter la parole donnée à plusieurs reprises par la même France et l’on envoie au delà des mers les forces dites de l’ordre achever la pagaïe. Tout ça alors que le Moyen Orient est prêt à s’embraser, que les modes de vie humains dézinguent les autres vivants bien plus vite que prévu, que l’armée russe menace sérieusement l’Europe et que l’Europe politique reste en plan. Ceci sans même parler de Mayotte ou de la Corse.
Lorsque Rocard était venu relancer le mouvement de décolonisation de la Calédonie, pas plus génial qu’un autre, il savait quand même qui étaient les habitants de l’île, il s’était assis par terre au milieu d’eux et avait écouté. Un accord en était sorti que l’entourloupe sordide de la grotte d’Ouvéa n’avait pas entamé. On n’arrive pas à comprendre si le ratage de 2024 est l’effet d’une arrogance dont les Français sont si coutumiers ; si c’est une manifestations d’inculture crasse en matière d’altérité ; ou si c’est juste de la bêtise d’enfants gâtés, à peine plus épaisse que d’habitude. Pourtant il existerait une façon élégante de s’en tirer, ce serait de faire enfin un geste qui tirerai son efficacité de son intelligence de l’histoire. Pour l’instant, le seul geste visible consiste à accumuler les soldats et les armes d’une entreprise coloniale qui aligne la France sur les puissances les plus odieuses de notre époque. On n’ose imaginer comment un gouvernement ouvertement suprémaciste traiterait cette affaire si mal engagée.
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