Le voyage
« Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons, De leur fatalité jamais ils ne s’écartent... » (1)
Partir pour partir
Le voyage est l’une des façons de comprendre à la fois le geste des migrants et la réponse qui lui est faite. Il en est d’autres bien sûr, mais le goût ou l’attirance pour le voyage contribue à expliquer les formes nouvelles de ces déplacements dans l’espace de même que la peur de l’appel au voyage contribue à expliquer certains des murs que l’on monte et des décrets d’expulsion. Les causes de l’aventure migratoire sont nombreuses, intriquées ; insoupçonnables parfois chez ceux mêmes qui l’entreprennent, obscures pour ceux qui la craignent. À côté de la faim et de la peur, causes majeures et immédiates qui font fuir leur terre à des gens qui y semblaient enracinés, la curiosité pour le monde qui contribue à provoquer le départ vers autre part, se présente comme un fond archaïque du rapport des humains au monde. Dans chaque sédentaire, il est un voyageur qui ne sommeille que d’un œil et dans chaque immigrant qui parvient sur une rive inconnue, outre le besoin de se nourrir, de sauver ses enfants, de recommencer sa vie, l’urgence surtout de fuir des polices meurtrières ou des guerres atroces, se trouve le désir d’ailleurs, le désir de déambuler librement : la fièvre du voyage.
Outre la recherche d’un lieu d’accueil, les Siciliens qui partent depuis deux siècles pour New York, les Maliens qui s’embarquent aujourd’hui pour Paris ou les Irakiens qui rêvent de Londres participent d’un geste initiatique collectif où il est question de rencontres, d’aventure, d’initiation à la vie d’adulte et de virilité. Les jeunes garçons qui partent pour un monde fabuleux savent qu’ils ne pourraient en revenir sans porter dans leurs mains ou dans leurs yeux la richesse de ceux qui reviennent de loin. Ils partent aussi pour s’enrichir du voyage et les obstacles qu’on leur oppose sous forme d’humiliations, de menaces de mort et de murs ne font que les renforcer dans leur détermination d’entreprendre. Ils partent pour partir. Comme le Marius de Pagnol face à la mer, leurs rêves les emportent au loin.
On confond parfois le voyage avec le nomadisme. L’illusion ne tient guère. Le nomadisme est le mode de vie collectif de ceux qui gèrent la rareté des ressources par des déplacements saisonniers sur des parcours stables. Les nomades épousent le plus souvent des circuits fermés. Ils reviennent, ils retrouvent, ils obéissent aux cycles des saisons et des habitudes. Les voyageurs à l’inverse ouvrent leur route, leur regard, leur monde : ils vont vers l’inconnu, ils suivent des lignes indéfinies. Bien sûr il n’existe pas de genre pur et l’aventure du voyage irrigue aussi les rêves nomades, permettant des bifurcations et des échappées. Le walkabout des aborigènes d’Australie est un voyage domestiqué par l’insularité de leur terre de même que les grandes invasions sont d’immenses voyages collectifs guidés vraisemblablement aussi bien par le besoin de terrains de chasse que par la quête des limites du monde perceptible.
On pourrait aussi distinguer le voyage du tourisme qui n’en est qu’une caricature grotesque, mais les protocoles touristiques se déroutent aussi, offrant parfois des aventures sur le mode voyageur. Même dans ses pires travers tels que Houelbeque le dépeint avec complaisance, le tourisme offre des occasions de voyager ; comme les voyages d’affaire ou les congrès universitaires entr’ouvrent eux aussi la géographie de ces aventuriers programmés. Ce sont autant de façon de rêver de sortie d’Egypte et d’autres déambulations ouvertes dont nos mythes sont pleins. Le voyage n’est pas un mode de vie codé, repérable chez des populations exotiques, mais il est, comme l’amour libre ou la révolution, l’occasion d’une mythologie qui évoque les fantasmes des humains de toujours ou de longtemps. Le voyage est une histoire racontée de mille façons qui sculpte l’imaginaire des sédentaires, provoquant le passage à l’acte des plus audacieux d’entre eux ; et la panique des institutions enracinées qui y voient un dangereux divertissement de l’ordre et de la production. Plus qu’un projet, le voyage est la proposition d’un rapport au monde qui commence par le détachement des choses et des gens et se poursuit par une déambulation libre qui espère ne jamais finir. C’est plus précisément un rapport aux autres, un rapport au monde et un rapport à soi.
Un rapport aux autres
Le voyageur est tout d’abord et avant même d’exister pour lui, un observateur étonné, parfois malgré lui, de la diversité humaine. À une époque ou l’Italie et la France n’étaient qu’à peine distinctes, Montaigne cherche les différences pour mieux comprendre non pas tant les Italiens que les hommes en général : « Comme les courtisannes Romaines et Vénitiennes se tiennent aux fenêtres pour attirer leurs amans, celles de Florence se montrent aux portes de leurs maisons, et elles y restent au filet aux heures commodes. Là vous les voyez, avec plus ou moins de compagnie, discourir et chanter dans la rue au milieu des cercles. ... Je fus frappé ici de trois choses : 1° de voir tout le peuple de ce canton occupé, même le dimanche, les uns à battre le bled ou à le ranger, les autres à coudre, à filer, etc. ; 2° de voir ces paysans un luth à la main, et de leur côté les bergères ayant l’Arioste dans la bouche : mais c’est ce qu’on voit dans toute l’Italie ; 3° de leur voir laisser le grain coupé dans les champs pendant dix et quinze jours et plus, sans crainte des voisins (2). »
Hérodote que l’on dit précurseur de la géographie ou de l’ethnologie fait de même à une échelle autrement plus vaste. Le voici en Perse : « A quel point cette conviction de leurs coutumes est ancrée chez les hommes, il serait facile de le prouver par des milliers d’exemples. Je me contenterai d’en citer un : à l’époque où Darius était roi, il réunit un jour les Grecs de son entourage et leur demanda à quel prix ils accepteraient de manger leurs pères après leur mort. ‘’ À aucun prix, quel qu’il soit ! Jamais nous ne ferions une chose pareille ! ‘’ s’écrièrent-ils. Il convoqua ensuite ces Indiens qu’on appelle Callaties, chez lesquels il est d’usage de manger ses parents et, en présence des Grecs (à qui un interprète traduisait les réponses), leur demanda à quel prix ils accepteraient de brûler leurs pères après leur mort. Les Indiens poussèrent les hauts cris à l’idée d’un tel sacrilège ! Tant il est vrai que les coutumes des hommes sont enracinées en chaque peuple, et que Pindare a bien raison qui dit dans un de ses poèmes : ‘’ Coutume, ô reine du monde (3) ‘’ ! »
Un autre passage des voyages d’Hérodote rapporté par Jacques Lacarrière en ferait aussi le précurseur d’une approche scientifique de l’histoire. Mine de rien, il rapporte l’interdit portant sur le porc à une époque fort antérieure à l’islam : « Le porc en Egypte est considéré comme un animal impur. La preuve ? Si un Egyptien frôle un porc dans la rue, il se plonge aussitôt tout habillé dans le fleuve ! Autre preuve ; les porchers, bien qu’Egyptiens de naissance, sont les seuls à ne jamais pouvoir entrer dans un temple. Personne n’ira leur donner leur fille ou épouser la leur. Ils se marient toujours entre eux. Ils ne sacrifient jamais de porcs sauf à Bacchus ou à la Lune le jour de la pleine lune. Pourquoi ont-ils une telle horreur de sacrifier un porc si ce n’est à la Lune ? On m’en a expliqué la raison, mais il ne serait guère décent de la répéte (4). » Avec moins d’application et plus de sens du paradoxe Nicolas Bouvier ne cesse de nous conter dans le fil de ses écrits ce qui tout à la fois rassemble et distingue les hommes et les cultures. Mais tout le monde n’a pas sa grâce.
L’envers de la curiosité pour les autres se niche, pour Céline, dans la haine des sédentaires, en tout cas dans une exaspération pour ceux qui restent, ceux que l’on connaît trop bien ou dont on n’attend ni étonnement ni émotion : « Après ce honteux intermède je serais parti de Rancy pour de bon et pour toujours si j’avais pu. À mesure qu’on reste dans un endroit, les choses et les gens se débraillent, pourrissent et se mettent à puer tout exprès pour vous (5). »
On n’est bien loin dans ces pages de Céline de la façon dont nous croyons comprendre aujourd’hui ce qu’était, à l’époque d’Hérodote, le monde des autres car ce sont ces autres qui, pour les Grecs, puent et se débraillent. Face à leur monde centré et ordonné, l’ailleurs et les autres n’étaient que barbarie et barbares. La pire des punitions n’y était pas la mort mais l’exil qui précipitait justement en barbarie. Il en était sans doute bien autrement, si on en juge à leurs gestes d’accueil, des Aztèques de la Conquista dont la mythologie racontait que les voyageurs venus d’ailleurs étaient forcément porteurs de bonnes nouvelles ; ou encore des Sémites de l’époque pré-chrétiene qui divinisaient l’étranger dans son apparition de voyageur.
Chez Céline, une exaspération renversée qui frise la haine du même et de soi-même pousse aux départs qui font les voyages. On la rencontre parfois explicitement dans les récits des migrants contemporains qui expliquent sotto voce combien leur pèse le poids de la tradition dans une modernité par ailleurs si mobile et de quelle façon l’escapade lointaine et parfois définitive est la seule façon de se connaître soi-même à travers le miroir des autres. C’est dans cette allégorie de soi et de l’autre mise en scène par les deux personnages de Bardamu et de Robinson qui n’en sont qu’un, que Céline nous raconte ses fuites en avant dans le Voyage au bout de la nuit : « J’hésitais... Pas longtemps. Le monde ne sait que vous tuer comme un dormeur quand il se retourne, le monde, sur vous, comme un dormeur tue ses puces. Voilà qui serait mourir bien sottement que je me dis, comme tout le monde c’est-à-dire. Faire confiance aux hommes, c’est déjà se faire tuer un peu. Je décidai, malgré l’état où je me trouvais, de prendre la forêt devant moi dans la direction qu’avait déjà prise ce Robinson de tous les malheurs. »
Revenons au rapport aux autres qu’offre le voyage, revenons à la bienveillance de Nicolas Bouvier, à son sourire narquois et à une esquisse des termes de l’échange qu’il suggère entre voyageurs et sédentaires. « Les voyageurs, c’est différent ; l’hospitalité les protège et ils divertissent. D’autant qu’avec la réputation qu’on leur faisait en plaine, les gens de Beitas n’avaient pas souvent de visites. L’arbab nous interrogeait la bouche pleine, en répandant une pluie de riz autour de lui. Le chanteur traduisait du kurde en persan, nous en comprenions un mot sur six, mais c’était un mime inventif et la conversation allait bon train. Quand les gestes nous faisaient défaut, Thierry dessinait de la pointe du couteau au dos des écuelles de fer blanc : notre route depuis Erzerum, la voiture, les barreaux de la prison. L’arbab s’égayait beaucoup de ces graffitis et applaudissait même pour montrer qu’il avait compris. La prison surtout l’amusait... excellent la prison. Il nous envoyait dans le dos des claques à décoller la plèvre et prenait du bon temps (6). » Le voyageur est celui qui raconte et porte dans ses récits le vent d’une humanité inconnue. Il traverse et ravit, étonne et offre à rêver.
Sur un registre à peine différent, les voyageurs de l’Inde pré-védique qui continuent jusqu’à aujourd’hui de marcher à travers le sous-continent apportent, comme Nicolas Bouvier, un message que les dieux mêmes ne peuvent saisir. Les saddhus ne possèdent rien, ils vont d’un temple à l’autre, vivent de l’aumône et parlent sans dogme de ce qu’ils comprennent du monde. Ils passent, laissant des ébauches du mystère dans leur trace. Ils disent aux sédentaires ce que leur apporte le détachement des choses.
« Étonnants voyageurs ! Quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires Ces bijoux merveilleux faits d’astres et d’éthers(7). »
Un rapport au monde
Avec l’invention de l’agriculture, les hommes commencent le basculement d’un mode de vie errant à un mode de vie sédentaire. Le basculement n’est aujourd’hui pas parfaitement accompli et, de toute façon, il reste dans les fantasmes des sédentaires une telle nostalgie du voyage qu’elle nourrit leur mythologie et relance parfois l’entreprise du départ. Jacob est berger et Esaü chasseur. Le premier est lesté par ses troupeaux, le second toujours prêt au départ. La divinité préfère Jacob qui lui offre une relation stable ; les femmes, dit le texte, préfèrent Esaü qui les emballe. Sindbad est le conteur fabulateur et charmeur des voyages magiques. Ulysse le héro magnifique des aventures amoureuses, héroïques et exotiques. On peut même lire l’exil du grand Rama comme une royale mise à l’épreuve par le retour au voyage dans l’inconnu forestier. Le souvenir du voyage est partout dans les contes, il est l’un des fonds mythologiques universels. Deux des romans majeurs du XXe siècle sont des romans de voyage. Le Voyage au bout de la nuit de Céline est l’histoire d’une errance dessinant la vie comme une déroute. Le Ulysse de Joyce est celle de la vie ordinaire d’un homme presqu’ordinaire vue comme une épopée voyageuse. Ces deux points de vue se répondent et se recoupent sur une esquisse de destinée humaine prenant la forme du voyage. Le voyage est tapi dans la mémoire archaïque des humains qui s’enivrent, s’embrouillent et se reconstruisent dans ce fantasme. « Si demain quelqu’un s’inquiète de notre ami d’au-delà des mers, dites que, déposant ses sandales, il est rentré chez lui, pieds nus... » Ainsi ces vers anonymes rapportés par le bonze Eisen rapportent-ils l’éternelle figure de l’allégorie voyageuse.
Dans le rapport au monde qu’offre le voyage, l’aventure est la première servie. L’aventure est ce qui doit advenir et elle advient. L’Odyssée est une aventure de sexe, de magie, de mers et d’horizon indéfini. Don Quichotte est une aventure de folie ordinaire, de sagesse dérisoire et de leurs rencontres. Easy rider est une aventure de désir, d’espaces et de liberté. Ces récits mettent en scène la rencontre avec les inattendus et les insoupçonnables, ils dépeignent le voyage comme une organisation du désordre quotidien, une multiplication des bifurcations ouvrant des possibilités indéfinies d’émotions et d’étonnements.
Le sombre regard de Céline dans le Voyage au bout de la nuit y voit pour sa part une recherche désespérée : « Je cherchais quand même si j’y étais pour rien dans tout ça. C’était froid et silencieux chez moi. Comme une petite nuit dans un coin de la grande, exprès pour moi tout seul. De temps en temps montaient des bruits de pas dans ma chambre, ça bourdonnait, s’estompait... Silence. Je regardais encore s’il se passait quelque chose dehors, en face. Rien qu’en moi ça se passait, à me poser toujours la même question. J’ai fini par m’endormir sur la question, dans ma nuit à moi, ce cercueil, tellement j’étais fatigué de marcher et de ne trouver rien (8). »
Quelques années après Céline et avec une ambition littéraire bien différente et surtout un regard différent sur ses semblables, Bouvier prend le parti de l’émerveillement : « Cette route a beaucoup pour elle
Dans tous les axes de sa boussole
C’est l’espace et l’éternité ... Tu te pousses à petite allure
Un mois passe comme rien Tu consultes ta carte Pour voir où t’a mené la dérive du voyage
Deltas vert pâle comme des paumes ouvertes
Plissements bruns des hauts plateaux Les petits cigares noués d’un fil rouge Ne coûtent que cinq annas la botte Où irons-nous demain ? (9) »
Dans le Bateau ivre, Rimbaud fait jaillir ce même espace où se joignent et se tressent les merveilles et les horreurs vues depuis le voyage comme une gerbe d’étoiles filantes. Comme s’il suffisait de n’avoir ni but ni attache pour que le paysage, les rencontres et la vie s’en trouvent transfigurées. Le voyage entr’ouvre à la beauté et aux terreurs. La distance qu’il oppose aux jours ordinaires nous en détache comme d’une gangue, nous offrant de voir l’envers du monde, de voir clair, de voir tout court.
Le voyage est d’abord détachement de la terre elle-même. Joyce, qui écrit son Ulysse dans le cours de la guerre territoriale la plus absurde qui ait été, fait d’abord de son Bloom un détaché de la terre. Les saddhus indiens s’affichent comme des détachés du Dharma, c’est-à-dire des infinis devoirs et règles tracassières de la caste, de la famille et de la continuité. Jack Kerouac nous raconte comment, toujours de passage et toujours léger, il apprend à nouer et dénouer en un tour de main l’attachement aux lieux et aux gens. Alvaro Mutis dans Un bel morir nous introduit au détachement pour la vie elle-même. Dans tous les cas, il s’agit d’apprendre à vivre. Encore une fois, voici Bouvier, parlant cette fois d’un voyageur arrêté, voyageur immobile, plus voyageur que personne : « Après une journée harassante au garage, ce retour de souvenirs c’était le Paradis. Le voyage, comme une spirale, montait en repassant sur lui-même. Il faisait signe, nous n’avions qu’à le suivre. Terence, très sensible au bonheur, décachetait sa dernière fiasque d’Orvieto. Le bouchon sautait, augmentant de vingt-trois roupies le passif du Saki. Peu lui importait. Il avait dépassé l’efficience, le genre on ne m’a pas. Demi-solde coincé dans ce bar en déroute, chargé des confidences de toute une ville, de dettes et de vieux disques de Mozart, il voyageait plus loin et librement que nous. L’Asie engage ceux qu’elle aime à sacrifier
leur vie et leur destin. Ceci fait, le cœur bat plus au large et il y a bien des choses dont le sens s’éclaire. Pendant que le vin tiédissait dans nos verres et que Terrence regardait cheminer les étoiles, immobile et attentif comme un oiseau de nuit, un vers de Hafiz me remontait en mémoire : ‘’ Si le mystique ignore encore le secret de ce monde, je me demande de qui le cabaretier peut bien l’avoir appris (10)...’’ »
Le rapport à soi
La première manifestation du rapport du voyage au voyageur est l’étonnement. L’étonnement, le fait d’être comme frappé par le tonnerre, est la manifestation sensible de la transformation qu’opère le voyage sur le voyageur. C’est le corps qui aspire le voyage en lui. Il y a dans l’étonnement du voyage comme un retour à l’innocence de l’enfance : tout est absolument neuf, le voyage ouvre les yeux et les yeux dévorent le monde. Rien ne sera plus jamais comme avant. En reflet du désespoir qui le pousse au large, Céline s’étonne et s’émerveille. Nulle part il ne le fait mieux que lors de son arrivée à New York : « Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New York c’est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes, et des belles et des ports et des fameux même. Mais chez nous, n’est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là, l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur (11). »
Toujours sur l’arrivée, Bouvier manifeste moins d’étonnement que de gourmandise pour la nouveauté. Il foule avec un plaisir goulu la terre d’un pays neuf, prenant la sage précaution d’une volée de pierres pour le cas où : « Sur une piste égale semée de crottin frais, le camion remontait de grandes troupes de cavaliers et les partageait comme une eau vive. Nous étions en pays turkmène, et la montagne loin derrière nous. Le Motar-Sahib chantait en conduisant ; à présent c’en était fini des gorges et des abîmes, il n’y avait plus qu’à se laisser descendre pour atteindre Kunduz avant la nuit. Le mollah ne pensait plus à Dieu ni à Diable et cassait des noix entre ses paumes. Le vieux, son vêtement tout souillé de fientes de poule dormait la bouche ouverte à travers les ballots et le soleil de la steppe lui caressait l’épaule. Vers midi, à la bifurcation de Pul-i-Khumri, j’ai quitté le camion qui continuait vers le nord.... On voyait de petites chouettes nichées dans la fourche des saules et quantité de campagnols qui prenaient le soleil au bord de leur trou. J’ai coupé un gourdin dans une épine-vinette et ramassé des pierres pour les chiens. Il faisait bon. J’étais saoul de fatigue. En traversant ce grand pays couché et doux où l’automne trouve à qui parler, je me demandais si Euthydème, Démétrios ou Ménandre, les rois grecs de Bactriane, avaient longtemps regretté leurs oliviers, leurs plages salées et leurs dauphins. »
Le véritable métier du voyageur, le geste auquel on le reconnaît sans risque est cependant le départ. Encore une fois Baudelaire : « Les uns joyeux de fuir une patrie infâme D’autres l’horreur de leur berceau ; et quelques-uns
Astrologues noyés dans les yeux d’une femme
La Circée tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n’être pas changés en bêtes ils s’enivrent
D’espaces et de lumières et de cieux embrasés
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent
Effacent lentement la trace des baisers (12)... »
Le voyage est l’occasion de la table rase et la première raison de faire table rase est certainement la fuite et même la fuite par dépit. Si Baudelaire ne s’en esquive pas et si Blaise Cendrars y trouve tout autant la raison des départs que des retours, Céline s’y vautre sans pudeur : « Les huiles ont fini par me laisser tomber et j’ai pu sauver mes tripes mais j’étais marqué à la tête et pour toujours. Rien à dire : ‘’ va-t’en !... qu’ils m’ont fait. T’es plus bon à rien !...’’ ‘’En Afrique, que j’ai dit moi, plus ça sera loin, mieux ça vaudra. ‘’ C’était un bateau comme les autres, de la Compagnie des Corsaires réunis qui m’a embarqué. Il s’en allait vers les colonies avec son fret de cotonnades, d’officiers et de fonctionnaires. ... On m’avait embarqué là-dessus pour que j’essaie de me refaire aux colonies. Ils y tenaient ceux qui me voulaient du bien, à ce que je fasse fortune. Je n’avais envie moi que de m’en aller, mais comme on doit toujours avoir l’air utile quand on n’est pas riche et comme d’autre part je n’en finissais pas avec mes études, ça ne pouvait plus durer. Je n’avais pas assez d’argent non plus pour aller en Amérique. ‘’ Va pour l’Afrique ! ‘’ que j’ai dit et alors je me suis laissé pousser par les tropiques, où, m’assurait-on, il suffisait de quelque tempérance et d’une bonne conduite pour se refaire tout de suite une situation (13) »
Toujours en miroir inversé de Céline, Bouvier raconte la délicate émotion des arrachements, on y lirait presqu’un stimulant de l’amitié ou plutôt de la conscience du caractère précieux des amitiés passagères : « Dans un bistro de la ville basse, nos amis nous attendent pour nous souhaiter une bonne route. J’avais oublié que nous en avions tant. Ultime verre de thé et, quand la voiture démarre, ah, ah, quels soupirs, avec quel regret ils la voient s’éloigner ainsi. Pourtant nous ne manquerons guère, et ce n’est pas notre destination qu’ils nous envient puisqu’à Téhéran on nous affirme avec force que les Ispahani sont des faux frères, les Kachani des gredins, qu’au Seistan l’eau des puits est salée, et qu’au Balouchistan on ne trouve que des benêts. Non, c’est le voyage qui fait songer ainsi. Le voyage, les surprises, les tribulations, cette mystique du chemin si vivace au cœur des Orientaux et dont nous aurons si souvent profité. »
D’ailleurs la mystique s’est emparée du voyage qui la lui rend comme un dû. Jean de la Croix investit le voyage dans une mystique amoureuse pour mieux comprendre et construire la paix de l’âme, le fameux ‘’ sosiego ‘’ de la relation avec la divinité, la demeure apaisée. Le départ y est compris comme une opportunité de laisser filer derrière soi un sillage du sosiego, de l’apaisement.
« Par une nuit obscure Anxieuse, enflammée d’amour
Oh, l’heureuse aventure
Je sortis sans être vue Ma demeure étant apaisée
Dans l’obscur et en sûreté Par la secrète échelle déguisée
Oh, l’heureuse aventure Dans l’obscur et furtivement
Ma demeure étant apaisée(14). »
Avec une mystique d’une autre origine, la mystique celte qui retrouve Ossian et même le Shakespeare de la Tempête, Kenneth White nous évoque, presque comme une drogue, l’exaltation des départs : « J’ai planté mes deux pieds dans une grande salle
À peu de choses près l’infini Je tourbillonne dans une orbite d’extase Un soudain brassage de la matière Et c’est là ce que j’appelle le commencement (15)»
Le voyage est l’espace où s’inventent les commencements. C’est la scène sur laquelle ils se jouent, c’est l’invention des recommencements indéfinis. On n’y est pas loin de Pessoa, le Pessoa des voyages où l’imaginaire et le réel se tressent dans le mythe des Ilhas afortunadas, et s’attachent au cœur des humains, le Pessoa de l’appel des infinis, du dialogue avec l’Océan qui appelle aux départs :
« Quelle voix dans le bruit des vagues nous parvient
Qui n’est pas la voix de la mer ? Elle est la voix de quelqu’un qui nous parle, Mais se tait si nous l’écoutons,
Parce qu’il fallut écouter.
C’est seulement si, à demi dormant,
Sans le savoir, nous l’avons entendue,
Qu’elle nous dit une espérance À laquelle, comme un enfant
Qui dort, nous sourions en dormant.
Ce sont les îles fortunées, Les terres qui n’ont pas de lieu, Où le Roi dans l’espoir demeure.
Mais, dès que nous nous éveillons,
La voix se tait.
Seule la mer (16). »
Il faut encore Bouvier pour nous rappeler que les départs sont les gestes d’un art qui rassemble l’expression de vives émotions, la façon d’être un autre et la mécanique automobile. C’est au départ que l’on connaît et reconnaît le voyageur. Le départ est partition, séparation, douleur des amours et des aimés : « A cette saison, dans ce coin du pays, on est réveillé chaque matin par une averse distraite qui frappe l’auvent de la Tchâikhane et sonne sur les samovars. Puis le soleil oblique et rouge disperse le brouillard, fait briller la route, les joncs, les collines, et derrière, les hauts massifs blancs du Nouristan. La fumée monte des braseros pendant que les dormeurs se débarbouillent – fébrile toilette des doigts, de la bouche, de la barbe – expédient leurs prières et vont bâter les chameaux entravés dont le pelage fume dans le froid. Des conversations enjouées s’établissent autour des bols de thé vert. Bien dormi. Je me sens en forme et les écorchures que je me suis faites hier en réparant le ressort avant se referment. Je m’habille et je vais recruter autour du samovar quelques pousseurs car ma batterie est morte. Il y a là une douzaine de vieillards aux mains fines qui s’envoient de grandes claques pour se réchauffer, et deux Pathans tannés et silencieux. On m’a fait place avec des gloussements mondains. J’ai offert le thé. Ensuite on m’a poussé bien sûr. Dans un tourbillon de robes blanches, de babouches et de jambes crottées, la voiture s’est envolée vers Jalalabad (17). »
Le rapport à soi qu’introduit le voyage ne se satisfait pas du monde qui se prétend vrai. Le voyage est aussi une escapade du réel et tout voyage prend la folie par le biais. Personne au Mexique n’a rapporté la présence d’Antonin Artaud dans la Sierra pour confirmer Les Tarahumara, livre lui-même inscrit dans son Voyage au Mexique. Ce qui n’ôte rien à la justesse du récit, ni même à sa véracité, encore moins à son intérêt littéraire. « Ment bien qui vient de loin, » dit un dicton populaire que l’on pourrait renverser dans quelque chose comme : « vient de loin qui ment bien. » C’est ce qui dissout les frontières et fait sauter les murs entre vérité et mensonge, entre songe et réalité, pour pénétrer l’espace poétique. De même que Tartarin de Tarascon nous fait voyager dans l’aventure de la chasse au lion, Pessoa nous guide au royaume des confins, là où l’on écarte les questions qui se croient intéressantes et les objections cliniques : « J’ai voyagé, voilà tout. J’estime inutile de vous expliquer que je n’ai mis pour voyager, ni des mois, ni des jours, ni aucune autre quantité de quelque mesure du temps que ce soit. J’ai voyagé dans le temps, bien entendu, mais non pas de ce côté-ci du temps où nous le comptons en heures, en jours et en mois ; c’est de l’autre côté du temps que j’ai voyagé, là où le temps ne connaît pas de mesure. Il passe, mais sans qu’on puisse le mesurer. Il est en quelque sorte plus rapide que le temps que nous voyons pour vivre. Vous m’interrogez intérieurement, sans doute, sur le sens que peuvent bien avoir ces phrases. N’allez pas commettre une telle erreur. Défaites-vous de cette habitude puérile de demander leur sens aux mots et aux choses. Rien n’a de sens. Sur quel navire ai-je fait ce voyage ? Sur un bateau à vapeur nommé Quelconque. Vous riez ? Moi aussi, et de vous peut-être. Qui vous dit, à vous comme à moi, que je n’écris pas des symboles faits pour être compris des dieux (18) »
C’est qu’en matière de voyage, les fantasmes permettent d’aller beaucoup plus loin que les avions ou les navires. Or c’est bien de cela qu’il s’agit et, dans le monde fini d’aujourd’hui, il ne reste aux voyageurs épris de terres vierges que de fermer les yeux et d’y faire leur cinéma :
« Les plus riches cités, les plus grands paysages Jamais ne contenaient l’attrait mystérieux De ce que le hasard fait avec les nuages (19)... »
Voici encore Pessoa qui cette fois s’explique : « J’ai rencontré et limité mes désirs, pour pouvoir les affiner davantage. Pour atteindre à l’infini – et je crois qu’on peut l’atteindre – il nous faut un port sûr, et de là partir vers l’Indéfini. Je suis aujourd’hui un ascète dans la religion de moi-même. Une tasse de café, une cigarette, et mes rêves peuvent parfaitement remplacer le ciel, les étoile, le travail, l’amour, et même la beauté ou la gloire. Je n’ai pour ainsi dire besoin d’aucun stimulant. Mon opium, je le trouve dans mon âme. »
Malgré son talent de conteur, il a fallu à Raymond Roussel publier ses Impressions d’Afrique à compte d’auteur. Aucun éditeur sérieux ne voulait de ses élucubrations sans aucun rapport avec ce que l’on savait pourtant fort mal d’une Afrique réelle. On pourrait en choisir n’importe quel passage, en voici un presqu’au hasard : « Après une étape courte et facile, faite dans l’obscurité envahissante, l’avant-garde atteignit le bord du Tez, le grand fleuve tranquille dont la rive droite fut vite encombrée par le déploiement de la colonne. Une pirogue pourvue de rameurs indigènes reçut à son bord Talou et Sirdah, qui furent passés sur l’autre berge. Là, sortant sans bruit d’une hutte de bambou, le sorcier nègre Bachkou, une coupe d’ivoire en main, s’approcha de la jeune aveugle qu’il guida par l’épaule dans la direction de l’Océan. Bientôt, tous deux pénétrèrent dans le lit du fleuve, en s’enfonçant progressivement à mesure qu’ils s’éloignaient du rivage. Au bout de quelques pas, immergé jusqu’à la poitrine, Bachkou s’arrêta en tenant haut dans sa main gauche la coupe à demi-pleine d’un liquide blanchâtre, tandis qu’auprès de lui Sirdah disparaissait presqu’entièrement dans les eaux sombres et bruissantes. Avec deux doigts trempés dans le baume laiteux, le sorcier frotta doucement les yeux de la jeune fille, puis attendit patiemment pour donner au remède le temps d’agir ;...(20) »
Arriver à bon port
Dans le sillage de Pessoa, Saramago nous rappelle que les voyages ont probablement une fin et que peut-être, cette fin, toujours la même, s’inscrit dans l’allégorie indicible parce que trop vaste, de la vie et de la mort. Dans Tous les Noms, le héro fort médiocre d’une existence banale, devient voyageur dès lors qu’il regarde autour de lui d’un œil neuf à travers le prisme de la mort : « Quand il arriva enfin à la zone des suicidés, le ciel se mouchetait de cendres encore blanches du crépuscule et il crut s’être trompé de direction ou que le plan était mal dessiné. Il y avait devant lui une vaste étendue champêtre avec de nombreux arbres, presqu’une forêt, où, n’étaient les pierres tombales à peine visibles, les sépultures auraient plutôt ressemblé à des touffes de végétation naturelle. De là on ne pouvait percevoir le ruisseau, mais on entendait le léger gazouillement de l’eau sur les pierres, et dans l’atmosphère de cristal vert il flottait une fraîcheur qui n’était pas seulement celle des premiers moments du crépuscule. »
Montaigne qui dans sa relation du Voyage en Italie ne s’embarrasse pas d’allégories, renvoie, comme Claude Lévi-Strauss qui prétendait haïr « les voyages et les explorateurs », à la trivialité du déplacement. « Le jeudi, jour de la Fête-Dieu, je pris un bain tempéré plus d’une heure ; je suais très peu, et j’en sortis sans aucune altération. Je me fis donner la douche sur la tête pendant un demi-quart-d’heure et quand j’eus regagné mon lit, je m’endormis profondément. Je prenais plus de plaisir à ma douche qu’à tout autre chose. Je sentois aux mains et aux autres parties du corps quelques démangeaisons ; mais je m’aperçus qu’il y avait parmi les habitants beaucoup de galeux, et que les enfants étaient sujets à ces croûtes de lait qu’on nomme achores (21). » En somme et tout au long de ses narrations, Montaigne nous fait part de ces travers du voyage dans sa réalité crue : les attentes indéfinies, les malentendus et les maladies. C’est de cette matière que sont faits les voyages, les vrais, avec la mort au bout de la route ou plutôt dans un ravin, très loin, là où l’on aperçoit près du fil de la rivière bleue, une carcasse qui rouille au soleil ; on avait quitté la route pour un léger dérapage de la roue avant du bus dans la boue du glissement de terre dû aux pluies de mousson. Les passagers s’étaient aggripés au dossier du siège de devant, mais aucun n’avait crié car tous savaient que c’est là le destin des voyageurs et tous l’acceptaient plus ou moins.
Les jeunes garçons qui s’embarquent d’Afrique pour les côtes européennes dans des embarcations précaires ne crient pas non plus car ils savent pourquoi ils partent, vers où et quelle est la rançon d’une aventure dont la mort est la mesure. Les Colombiens qui avalent une quinzaine de boulettes de Cocaïne serrées dans des préservatifs pour payer leur traversée au prix fort savent ce qu’ils font. Les Roms qui reviennent et affrontent les humiliations et les brutalités racistes de l’Etat italien, les Chinois qui endettent leur famille restée au pays pour vingt ans, la plupart des voyageurs de l’aventure migratoire connaissent les règles du jeu, il en est peu qui se fassent encore des illusions sur ceux qui les attendent et la façon dont ils sont attendus. Pourtant rien ne les retient, il est encore temps et toujours urgent de partir. « Pour traverser l’Hindou Kouch et gagner le Turkménistan afghan, il faut un passeport de la police de Kaboul et une place dans l’autobus de l’Afghan Mail ou sur un des camions qui montent vers le nord. Ce permis est souvent refusé. Mais lorsqu’on lui fournit une raison simple, évidente et qui lui parle – voir du pays, vagabonder – la police est bonne fille. Tout musulman, même flic, est un nomade potentiel. Dites djahan (le monde) ou shahrah (la grande route), il se voit libre de tout, cherchant la Vérité et foulant la poussière sous un mince croissant de lune. En ajoutant que je n’étais pas pressé, j’ai eu mon permis tout de suite (22).» La question qui reste, sans doute bien plus difficile à résoudre que dans l’Afghanistan de Bouvier dans les années 1950, est de trouver aujourd’hui le vagabond dans le cœur du politicien, du flic ou même du citoyen d’Europe ; et de savoir lui parler.
(1) Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal, CXXXII, Le voyage
(2) Michel de MONTAIGNE, Journal de voyage
(3) Jacques LACARRIERE, En cheminant avec Hérodote, Paris, Editions Pierre Seghers, 1981
(4) Ibid
(5) Louis Ferdinand CELINE, Le voyage au bout de la nuit, Paris, Editions Denoël, 1932
(6) Nicolas BOUVIER, L’usage du monde, Edition originale : Librairie Droz, Genève, 1963
(7) Charles BAUDELAIRE, ibid
(8) L.-F. CELINE, ibid
(9) Nicolas BOUVIER, ibid
(10) Ibid
(11) L.-F. CELINE, ibid.
(12) Charles BAUDELAIRE, ibid.
(13) L.-F. CELINE, ibid.
(14) Jean de la CROIX, Poésies complètes, José Corti, Paris, 1991
(15) Kenneth WHITE, En toute candeur, Mercure de France, Paris, 1964
(16) Fernando PESSOA, Mensagem, Lisbonne, 1934
(17) Nicolas BOUVIER, ibid
(18) Fernando PESSOA, Le livre de l’intranquillité, Christian Bourgois, Paris, 1998
(19) Charles BAUDELAIRE, ibid
(20) Raymond ROUSSEL, Impressions d’Afrique, Editions J-J Pauvert, Paris, 1963
(21) Michel de MONTAIGNE, ibid
(22) Nicolas BOUVIER, ibid
Marc Hatzfeld
Ecrit pour un ouvrage collectif correspondant au séminaire d’Elizabeth Zucker- Rouvillois à l’EHESS Récalcitrance, suite à mon intervention dans ce séminaire en 2008